Les moyens mis à disposition par l’IA représentent une nouvelle source d’inspiration formelle.
En ce qui concerne l’art et les moyens de créer de l’art, il est clair que la technologie et l’IA ont déjà eu un impact significatif. Elles continueront probablement à façonner la façon dont les artistes créent et partager leur travail à l’avenir.
Mais très souvent, on parle surtout de l’utilisation des algorithmes et des générateurs d’image comme d’une source d’inspiration. C’est un des aspects qui concerne le travail formel de recherche et de la réalisation.
Un autre axe est de considérer l’intelligence artificielle comme une inspiration sur le fond.l’IA soulève de nouvelles questions sur la nature des être humains et le rôle de la technologie dans la société.
(lire à ce sujet l’article « La frontière entre humain et inhumain est en train de bouger. »)
L’IA est un sujet qui soulève des questions métaphysiques qui peuvent inspirer les artistes.
En fin de compte, la relation entre la technologie, l’IA et l’art est complexe et évolutive. Il incombe également aux artistes de l’explorer et de réfléchir à ces questions dans leur créations.
Je vais proposer ici quelques thématiques qui me semblent intéressante et que j’ai envie d’aborder moi-même dans mon travail.
La frontière entre l’humain et inhumain par le travail sur le corps
- Quelle est la perception mathématique du corps humain vu par l’IA.
- Comment fonctionne la reconnaissance du corps humain lorsqu’on observe un dessin, une image.
- Comment peut-on exprimer visuellement ce brouillage de frontières ?
Dans mon exposition à Prague en 2022, je joue avec une certaine ironie avec l’idée d’anthropomorphisme en créant l’univers « Patternworld », peuplé de créatures hybrides « GANpeoples fabriqués à partir de puces ».
Mes personnages sont là pour montrer que la frontière entre humain et inhumain est floue. Ils ressemblent à des personnes dans des situations de vie, ils bougent, communiquent et dansent.
Mais en les observant attentivement, rien n’est juste, c’est une approximation statistique de l’humain, une dissolution computationnelle de nos formes. Une apparence d’humanité qui ne l’est pas. Une hybridation d’objets à forme humaine qui confine à la limite de la reconnaissance de notre corps.
Mes personnages sont parfois générés à partir d’images de fractales, de racines, de plantes, de fils rouillés ou de micropuces comme autant de graines de naissance, de génomes qui modifient les formes humaines de manière imprévisible.
Il s’agit dans la séquence suivante encore d’un travail basé sur de courtes séries de données dans une séance de machine learning avec un algorithme GAN. Aujourd’hui, on va obtenir des silhouettes bien plus proche de la réalité.
Quelques artistes connus qui explorent les questions liées à la limite entre l’humain et l’inhumain dans un monde en constante évolution technologique.
- Stelarc: un artiste de performance.
- Lynn Hershman Leeson qui aborde les questions liées à l’identité numérique et la frontière entre l’humain et la machine.
- Neil Harbisson: un artiste « cyborg « .
- Zolloc utilise l’animation pour explorer les frontières entre l’humain et la technologie.
- Rafael Lozano-Hemmer travaille avec la réalité augmentée et de l’interaction pour explorer les frontières entre l’humain et la machine.
La possibilité de créer de nouvelles formes de vie.
Le travail artistique pourrait explorer les façons dont les technologies de modification génétique sont utilisées pour créer de nouvelles formes de vie. Trouver un approche picturale pour poser les questions sur les implications éthique et philosophiques de ces développements.
- Il pourrait illustrer les façons dont les cellules souches sont utilisées pour créer de nouveaux tissus et organes, et s’interroger sur le potentiel de ces technologies pour améliorer ou pour modifier les capacités humaines.
- Dans le même registre, on peut illustrer le thème de la modification génétique pour créer de nouvelles formes de vie végétale.
J’ai généré les visuels des corps humains à partir des matières variées croisées avec des images de silhouettes réelles d’humains. Puis, j’ai crée des plantes et des animaux avec des algorithmes pour ‘calculer’ les espèces purement statistiques à partir des élements réelles de la nature.
Ma série d’images nommée Algoveggies et IAnimals sont des formes calculées à partir des sets de photos monochromes de plantes réelles J’ai réalisé le même exercice avec les animaux que j’ai ensuite peints quelques « IAnimaux » à l’aquarelle.
Quelques exemples d’artistes qui explorent le sujet de la génétique et de la biologie dans leur travail.
Ils utilisent des médiums variés allant de la peinture et la sculpture aux installations et performances.
- Eduardo Kac crée des oeuvres implicants la manipulation génétique (GFP BUNNY).
- Adam Zaretsky est un artiste biomédical.
- Joe Davis utilise la biologie et la génétiquer pour créer des oeuvres qui posent des questions scientifiques et sociétales.
- Heather Barnette abordent dans ses oeuvres le sujet de la mort.
- Bioart Society est un collectif findlandais qui explorent surtout les questions éthiques mais aussi esthétiques de la biotechnologie.
L’utilisation de la robotique pour augmenter les capacité humaines.
Des artistes explorent déjà largement le sujet lié à la robotique. Par exemple, comment la robotique et l’IA sont utilisées pour augmenter les capacités humaines en mettant en scène le concept de l’homme augmenté.
Un autre sujet concerne l’intégration de la technologie dans le corps humain, l’utilisation d’implants et de prothèses.
Parmi les artistes qui travaillent sur le sujet, certains utilisent même des robots autonomes pour les performances, je peux citer par exemple :
- Stelarc: utilise la technologie pour augmenter les capacités corporelles de l’homme dans les performances.
- Eduardo Kac : sur le sujet de la génétique.
- Golan Levin: un artiste multimédia qui utilise la robotique pour augmenter les capacités expressives et créatives des humains.
- David McLeod: aborde les questions liées à la cyborgisation et à l’augmentation humaine.
- Patrick Tresset: explore les questions liées à l’interaction humaine et à la cognition artificielle.
A la limite de la reconnaissance du corps humain avec ces figures expressives et pourtant simplement calculées.
L'IA façonne déjà notre comportement et notre prise de décision.
L’autonomie humaine fait référence à la capacité à prendre nos propres décisions et à agir indépendamment des influences et des contraintes extérieures.
C’est un des aspects fondamentaux de l’action humaine. Elle est étroitement liée à notre capacité d’intention, donc l’aptitude à planifier et d’agir afin d’atteindre un résultat.
Ces capacités pourraient être considérées comme notre protection contre une influence ou un contrôle excessif par les systèmes d’IA .
Cependant, il est important aussi de reconnaître que l’IA devient de plus en plus évoluée et capable en réalité d’influencer et de façonner le comportement humain de diverses manières.
Nous devons en être conscients et rester proactifs en veillant à ce que ces technologies soient utilisées de manière éthique et responsable.
C’est donc un vaste thème étroitement lié à la liberté que les artistes peuvent également explorer.
Un livre à lire : Kai-Fu Lee et Chen Quifan, IA 2042- Dix scénarios pour notre futur
Seront-nous effacés, remplacés ou dépassés?
Compte tenu de notre incapacité à anticiper l’avenir avec certitude, il m’a semblé qu’un artiste devait s’amuser un peu avec ces nouveaux moyens et même contribuer à les désacraliser.
Je ne sais pas si l’IA nous dépasse, nous efface ou nous remplace.
En d’autres termes, l’époque dans laquelle nous vivons est technologique de bout en bout. Mais nous savons déjà que la technologie n’est pas seulement un outil, qu’elle est plutôt un système ouvert dont nous faisons partie et dont nous participons à l’évolution en exploitant de nouvelles possibilités. L’art est un champs d’expérimentation qui dépasse notre capacité de prévoir.
Je considère avant tout que l’IA un outil à mon service dont j’essaie de m’inspirer au maximum. La réalité apparaît généralement à travers les lacunes, il ne faut pas avoir peur de ne pas comprendre et de ne pas pouvoir anticiper où cela nous amène.
Un peu de lecture pour l’inspiration:
Livres en français :
- « Art et intelligence artificielle » de Bernard Stiegler
- « L’art à l’ère de la technologie » de Caroline A. Jones
- « Artificial Intelligence and the Future of Humanity: Questions and Challenges » de Jürgen Schmidhuber (traduit en français sous le titre « L’intelligence artificielle et l’avenir de l’humanité : questions et défis »)
Livres en anglais :
- « Artificial Dreams: The Quest for Non-Biological Intelligence » de Susan G. Greenfield
- « The Social Shaping of Technology » de Donald MacKenzie and Judy Wajcman
- « Machine Beauty: Elegance and the Heart of Technology » de David Gelernter
- BioMedia, edition Peter Weibel, Spector Books
- Metaspore, Anicka Yi, Pirelli HangarBicocca
Dans les articles suivant je vais expliquer comment j’aborde l’utilisation des générateurs d’image basés sur l’IA depuis le début et je présente mes méthodes de travail.
Vous pouvez aussi parcourir tous les articles précédents sur ces sujets sur mon blog
IA-esquisses, comment augmenter votre inspiration.
Reprendre et retravailler ses vieux dessins et peinture avec Midjourney avec la commande /BLEND pour plus d’inspirations.
La frontière entre humain et inhumain est en train de bouger.
Je joue beaucoup dans mes peintures avec la limite entre l’humain et l’inhumain, la vision anthropomorphique de l’IA et sur l’hybridation homme-machine.
Ce sujet me laisse perplexe. J’ai le sentiment que la frontière entre humain et inhumain a déjà évolué. Le phénomène est encore difficile à saisir et à percevoir, mais il est là.
L’intelligence artificielle est-elle inoffensive pour le milieu de l’art?
Le traitement d’images par l’IA permet actuellement des prouesses qui nous obligent à douter de notre perception du monde. l’IA est un outil qui peut être utilisé à des fins très diverses, tant positives que négatives. Il nous appartient, en tant qu’individus et en tant que société, de déterminer comment l’IA sera utilisé. Je commente plus spécifiquement son domaine d’application dans l’art.
Le Pinceau de la Pensée : L’Art à travers les yeux des Philosophes »
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