Pourquoi ne faut-il pas toujours souscrire aveuglément aux propos des philosophes lorsqu’ils abordent le domaine de l’art ?
Il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec des philosophes lorsqu’ils parlent de l’art. Pourtant, il est enrichissant de les lire.
Il est couramment admis que le privilège des esprits brillants réside dans leur capacité à nous éclairer sans préalablement détenir la vérité incontestable.
Le philosophe Alain disait :
“une erreur de Descartes vaut mieux qu’une vérité d’écolier”.
Cela m’incite à étudier assidûment les écrits théoriques sur l’art, même lorsque la compréhension immédiate m’échappe.
Et surtout, ces lectures nourrissant ma propre création.
Nous devons admettre que la solitude de la réflexion individuelle ne garantit pas toujours une pensée éclairée.
Il est tentant de se contenter d’approuver les idées qui confortent notre bulle idéologique. Ce qui n’engendre pas beaucoup d’évolution de nos idées..
Alors, même si un texte ardu d’un philosophe devient hérmétique au bout de 20 pages, il faut s’exercer.
C’est toujours préférable aux opinions de ceux qui pensent de manière superficielle et sans nuance.
J’ai toujours trouvé particulièrement désagréable d’être confronté à des idées tranchées de personnes qui ne prennent pas le temps de réfléchir avant de s’exprimer, qui ont des certitudes sur tout, un phénomène que l’on peut souvent observer sur les réseaux sociaux.
Pour éviter les commentaires dénués de sens sur mes propres publications, j’ai remarqué qu’il suffit d’écrire des articles longs.
Cette approche agit comme un tri naturel par découragement. Les personnes les moins engagées ne s’aventurant que rarement dans de longs textes. C’est presque une règle mathématique.
Commenter la production d’un artiste peut être délicat, surtout lorsqu’on n’est pas un critique professionnel.
Il est facile de critiquer une oeuvre et il est encore plus facile de donner un avis superficiel sur une réalisation que l’artiste a parfois mûrie pendant de longues périodes.
C’est aussi une bonne raison de lire les ouvrages théoriques et philosophiques avant de donner un avis.
C’est uniquement grâce à une analyse approfondie que nous pouvons, avec un esprit libre, formuler une opinion réellement pertinente sur l’art.
Même si notre avis restera subjectif, le fait de transmettre une argumentation élaborée de manière solide et un effort de réflexion basé sur un socle de connaissances, rend cet avis plus recevable.
Il n’ y a pas une bonne ou une mauvaise réponse en matière d’art.
Qaund je réalise un programme informatique, lorsque je fais ma comptabilité, le résultat est simple à évaluer : le programme marche, les comptes sont justes.
Ce n’est pas du tout la même chose avec la peinture.
Je peux ‘resentir’ parfois de la satisfaction devant ma toile. Puis, un peu plus tard, je deviens de nouveau insatisfaite. Les deux moments peuvent en plus dépendre de mon humeur du jour.
Evaluer son propre travail est difficile. Alors, c’est encore plus vrai pour une oeuvre d’un autre artiste sans faire un minimum d’effort.
Et la vérité des philosophes sur l’art?
Les philosophes les plus célèbres, malgré la puissance de leurs concepts, ont souvent été en désaccord avec leurs pairs tout aussi éclairés.
Aristote s’opposait à Platon, Hegel à Kant et Alain à Bergson.
Lorsque nous lisons leurs textes, nous sommes parfois tentés de dire : « Oui, c’est exactement ce que je pense ! » Quelques pages plus loin, notre enthousiasme peut vaciller.
Néanmoins, chez ces grands penseurs, nous trouverons toujours de précieuses idées pour nourrir la réflexion sur de nombreux sujets.
Comprendre bien leurs avis sur l’art et leur vocabulaire conceptuel n’est pas toujours simple.
Mais, ces lectures nous amènent à réfléchir.
Je découvre même souvent plus d’inspiration dans ces textes que dans la réalité qui m’entoure. Je dois être visiblement plus attirée par les questions métaphysiques que par un simple bouquet de fleurs sur une table.
L’art renferme une part de mystère.
Lorsque nous évoquons le mystère, nous offrons aux philosophes un sujet de méditation privilégié. Le mystère, c’est ce qui nous échappe, ce qui nous dépasse, une question sans réponse apparente.
C’est aussi le territoire de l’art. D’ailleurs, la relation entre les philosophes et l’art est souvent teintée de rivalité.
Se pourrait-il que l’art soit une autre forme de pensée et une manière alternative de communiquer les idées ?
Alors, le domaine du questionnement métaphysique des philosophes serait-il « barbouillé » par un peintre inconscient ?
C’est bien une explication comme une autre des rapports ambiguës entre les artistes et les philosophes. Les deux questionnent le monde.
En revanche, certains artistes nous expliquant que leur peinture ne parle de rien, car « elle existe par elle-même”.
Ont-ils lu de travers la phénoménologie ? Car parler de rien, cela n’existe pas vraiment.
Parler creux en revanche, cela est très courant. Et parler creux devant une toile, cela est une lapalissade.
Il existe de nombreux ouvrages écrits par des philosophes qui offrent des perspectives fascinantes sur l’art. , Voici quelques incontournables :
« » »Esthétique » de Georg Wilhelm Friedrich Hegel : Cet ouvrage explore la philosophie de l’art selon Hegel et offre une perspective sur la relation entre l’art, l’histoire et la philosophie. Hegel y définit l’esthétique comme la science du beau, une conception qui s’imposera.
« L’origine de l’œuvre d’art » de Martin Heidegger : Heidegger aborde la nature de l’art, son essence et son rôle dans la compréhension de la vérité. Ce texte date de 1935 (Der Ursprung des Kunstwerkes).
« L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » de Walter Benjamin : Benjamin propose une perspective marxiste et fortement influencée par le matérialisme dialectique.
« L’art comme expérience » de John Dewey : Dewey propose une vision pragmatique de l’art. Il développe une vision de l’art en société démocratique, qui libère quiconque des mythes intimidants qui font obstacles à l’expérience artistique.
« Le Visible et l’Invisible » de Maurice Merleau-Ponty : Le titre est attribué à un regroupement de notes de travail d’environ 150 pages manuscrites. Merleau-Ponty aborde des analyses anciennes sur la chose, le corps, la relation du voyant et du visible.
« La Poétique » d’Aristote : Bien qu’il ne soit pas exclusivement consacré à l’art visuel, « La Poétique » d’Aristote est une référence classique pour comprendre les principes fondamentaux de la tragédie, de la poésie et de la création artistique en général et des notions comme ‘limitation.
» La naissance de la tragédie » de Friedrich Wilhelm Nietzsche : Dans cette œuvre, il oppose et associe les figures opposées de l’ivresse : dionysiaque et apollinienne ».
Bayles et Ted Orland : Bien que cet ouvrage « pratique » ne soit pas écrit par un philosophe, il offre des réflexions profondes sur la création artistique, la peur de l’échec et la persévérance. Il est bien plus facile à lire que des ouvrages précédents.Dans le même registre accessible, on peut citer « La philosophie de l’art » de Jean Lacoste.
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