Ma révolte du jour.
Durant toute ma carrière professionnelle, nous étions gavés de chiffres.
Vous imaginez ma carrière dans le marketing et dans l’assurance sans les chiffres?
Impossible. Mais au-delà des données indispensables pour établir les prix et comprendre certains phénomènes économiques, l’amour du chiffre et de la mesure a fini par devenir omniprésent et envahissant.
J’ai respectueusement ingurgité et appliqué dans mon quotidien le concept rabâché par tous:
« Ne s’améliore que ce qui se mesure ».
Eh bien je déclare solennellement que ceci est une des plus grandes escroqueries de la pensée technocratique !
Voilà la parole d’artiste (Mel Bochner, Speculations. Ecrits 65-72.):
« Mesurer est l’une de nos manières de croire que nous sommes capables de réduire le monde à une fonction de l’entendement humain.
Or, quand elle est acculée à dévoiler sa propre nature, la mesure en révèle qu’un vide fondamental »,
Un vide fondamental…
J’observe d’ailleurs que de nos jours, dans les entreprises, dans le média, comme une parodie de ce vieux réflexe pavlovien, l’homme entreprend de mesurer des choses de plus en plus absurdes.
Il ne s’agit malheureusement souvent nullement de notre amour pour la science.
Mais,à contrario de faire en sorte de la discréditer.
Il ne s’agit non plus toujours de notre amour pour la pensée rationnelle.
La mesure exprime très souvent une absence radicale d’autonomie de pensée ou un manque de courage.
Quelle est donc la véritable raison de cet amour démesuré pour le calcul, le chiffre, le nombre ?
N’est-ce pas une incapacité d’accepter l’angoisse fondamentale, l’impermanence, l’imprévisibilité provisoire de la vie, l’imminence de l’effondrement inévitable final?
Ni l’art, ni la religion, ni la philosophie et encore moins le calcul économique ne permettent de résoudre cette manifestation de l’angoisse originelle.
Il n’ y a que l’acceptation qui compte.
Pourquoi d’ailleurs, ce qui se mesure devrait s’améliorer ? Dans quel but ? Pour plus (ou pour moins) de quoi?
Et si en réalité, rien n’allait vers le mieux, alors qu’on mesure tout de plus en plus ?
Et quand j’y pense…
J’ai le sentiment, que je m’améliore enfin.
Depuis que je ne me mesure à rien du tout.
Voilà.