Difficile retour de mon voyage au Proche Orient .

Les nouvelles du monde occidental qu’on a crû être un monde « éclairé », ne sont pas réjuissantes.
A chaque retour du voyage, je ressens à quel point nous avons une chance de vivre encore en démocratie et en même temps à quel point l’épidémie pessimiste et réactionnaire est omniprésente.

En Europe et sur le continent américain, la peste brune néo-fascisante s’organise comme dans un sursaut pour freiner l’arrivée d’une nouvelle société.
Matteo Salvini, Orban, Marine Le Pen, Bolsonaro, Kaczynski, Siderov, Aube Dorée, Poutine, Trump dans une néo- version mussolinienne populaire pointent les doigts vers les ennemis extérieurs et intérieurs qui incarneraient « le mal ».

Les avatars autoritaires rouges, verts ou bruns représentent la même déchéance mentale.

Dans mes nombreux voyages en orient, je perçois souvent le wahabisme, comme un effet de miroir de notre peste brune anti-démocratique.
La majorité des musulmans que je croise partout déplorent le wahabisme qui est importé chez eux par l’Arabie saoudite.
Cette tendance verte ultra-autoritaire se répand à travers les pays musulmans avec le même objectif de retour vers l’autorité, désignant la démocratie comme un système à abattre.

L’Arabie Saoudite, est pourtant soutenue encore comme un « contre-poids des ayatollahs iraniens » jusqu’à l’absurdité par le Etats-Unis.
Le Davos du désert à Riyad, semble être une incontournable foire pour notre camelote nationale de Thales. Un « sommet » d’hypocrisie qu’on baptise « Future Investment Initiative ». Le wahabisme est visiblement « utile » : il rend les pauvres dociles et évite que les femmes réclament aussi un emploi….
Quand cela mute en avatar néo-nazi version Daesch, les « alliés » gérent ce « débordement » en se mobilisant. Cela fait en plus fonctionner l’industrie de l’armement.

Comme dans d’autres contrées du monde, on trouve aussi au Proche Orient, la version verte des milices populaires haineuses : le Hezbollah et le Hamas.
Pour toucher la couche de la « classe moyenne »,  le mouvement de « réaction » panislamiste qui se présente comme ‘fréquentable’, celui des Frères musulmans.
Qui finalement pourraient se donner la main avec nos mouvements « présentables » eurosceptiques et populistes promettant le retour de «l’ordre moral ». Tant pis pour les libertés individuelles, l’Etat de droit et l’alternance politique.

C’est aussi le cas en Asie avec les nationalistes hindous comme le parti Shive Sena, les néo-sionistes extrêmes en Israël, des négationnistes d’Ahmadinejad en Iran, le parti négationniste   japonais Nippon Kaigi.

Les courants autoritaires et réactionnaires nationalistes et ultra-religieux  s’auto-alimentent et se nourrissent mutuellement en Orient et en Occident.
L’engrais est le manque d’éducation et la peur du futur. Et la difficile acceptation du changement.
L’Internet propage sans doute vite la connaissance, mais il disperse encore plus rapidement la bêtise.

Pourtant les mutations actuelles sont fulgurantes et silencieuses à la fois.

Et pour s’adapter, il faut les comprendre.
Il faut accepter de naviguer dans ce monde turbulent, observer ce qui est en train de naître et ce qui est en train de mourir.
Ce qui se transformer en silence est sans doute le plus important.

Sans pêcher par l’excès de l’optimisme ni de pessimisme, nous subissons actuellement partout les effets négatifs typiques de la fin d’une époque.

En occident, où la pensée moderniste et la science ont pris leur autonomie de la religion depuis 500 ans, nous sommes confrontés au sursaut de la pensée rétrograde, simpliste et « magique ».
Nous avons vécu, pendant plus de 100 ans, un cycle où notre pensée était systématiquement déterministe et réductionniste (donc orientée vers la spécialisation et l’expertise fine). Ce qui a permis effectivement de réaliser d’énormes progrès.

Les pays qui n’ont pas adopté au 20ème siècle la pensée déterministe et réductionniste, n’ont pas progressé autant. Pourquoi?

Lorsque l’homme croit à la nature magique, il lui semble superflu d’étudier et de rechercher les lois qui régissent le monde. La science lui semble inutile. Dans une telle société, le progrès était difficile à réaliser.

Nous sommes des enfants de Galilée, de Kepler, de Newton. Le logiciel de notre civilisation fut notre croyance qu’ils existent les lois universelles de la nature.
Et que nous pouvons les découvrir et maîtriser. Il suffisait en plus de découper chaque problème en plus petites tranches, le ‘réduire’, pour résoudre l’équation. Cette façon de penser a été génératrice de progrès encore très récemment.

Le monde a été d’ailleurs pendant tout le 20ème siècle séparé par une sorte de Jalta métaphysique.
Ceci explique aussi la différence entre l’évolution du Congo et du Japon au 20ème siècle.
Dans l’incertitude et avec une vision arbitraire de l’avenir, l’homme n’investit pas. Il sacrifie.
Partout, où la science a pris son autonomie de la religion et de la pensée magique, le progrès a été fulgurant et exponentiel.
L’inverse était vrai également.

Peut-on espérer une nouvelle vision post-moderne ? Moins rationnelle, sèche, quantitative ?

Devant la compréhension du danger écologique et de la possible destruction de notre environnement, sommes-nous en train de passer à une vision plus holistique de la nature ?
Il serait aussi normal que cette autre façon de penser soit encore minoritaire.
Jadis, la vision « moderne » de la société, était passée d’abord par les populations les plus éduquées, les scientifiques, puis les couches plus riches, puis les classes moyennes.
Elle s’est répandue de l’occident sur la planète partout, où elle pouvait entrer en résonnance culturelle, puis économique, comme par exemple en Asie.
Les moyens de la communication actuels, plats, mondiaux, vont-ils diffuser plus vite les nouvelles pensées scientifiques et les nouvelles connaissances ?

http://wiki.livois.com/mediawiki/index.php?title=Fichier:Courbe_du_changement.gif

Actuellement, la diffusion des pensées simplistes et rétrogrades semble plus rapide et massive que la nouvelle connaissance.
Mais, c’est une perception qui flotte à la surface des tendances lourdes.
Les changements majeurs de paradigme sont souvent générateurs d’abord des conflits, d’incompréhension et des retours en arrière ponctuels. La courbe de changement n’est pas linéaire. Mais, il faut rester optimiste à moyen et à long terme.

Les prémices d’une nouvelle façon de penser la société et l’univers?

La nouvelle vision du monde émergeante semble fondée sur l’économie du marché, mais privilégiant la connaissance immatérielle à la possession des biens et machines matérielles, intégrant aussi une éthique durable et un nouvel rapport à l’environnement.
C’est donc ni une posture de décroissance primaire, impliquant un retour au mode de vie primitif, ni une société de consommation ultralibérale de fin 20ème siècle.

Les valeurs et les comportements découlent logiquement de cette vision « de vivre mieux, mais en harmonie avec la nature et soi-même ».

Notre logiciel mental du 20ème se modifie.

Nous sortons ainsi au début du 21ème siècle d’une longue période de pensée de science réductionniste, qui découpait tout en micro-problèmes séparés, pour les résoudre grâce à la science.
Peut-être que l’intelligence augmentée va apporter une vision plus holistique de la vie et du rapport à l’univers : du mot holos -global.

Cette bifurcation future, est-elle actuellement simplement confrontée aux forces réactionnaires du 20ème siècles ?

Nous sommes capables de percevoir  surtout les effets négatifs du changement.
  1. Il n’est pas nécessaire d’être un grand visionnaire pour percevoir partout sur la planète la destruction colossale des emplois anciens par l’automatisation.
  2. Nul n’a besoin de faire de longues études pour constater l’accroissement de la population asiatique et de son influence.
  3. L’emprise sur l’économie mondiale de ce quart de population mondiale d’origine chinoise est absolument totale. En France comme en Jordanie, les artisans et fabricants locaux ont perdu leur gagne-pain.
  4. L’émergences d’une nouvelle classe des ‘inutiles’, des impossible « à employer de manière traditionnelle » fait peur. Là encore, inutile d’être un grand visionnaire ou ultra éduqué pour l’observer.
    Ce qui est d’ailleurs bien plus angoissant pour les personnes concernées que pouvait être le sort d’un travailleur pauvre. Ce dernier pouvait au moins espérer d’améliorer sa situation un jour dans une société de croissance.

Face à cela, les solutions seront -ils humanistes ou totalement dénués de l’humanité ?

Tout découle toujours de la vision dominante du monde qui s’impose petit à petit à l’humanité.

En occident, nous ne sommes pas toujours conscient que notre vision n’est pas 100% universelle.
Si elle semble si naturelle, c’est puisque nous sommes nés et éduqués ainsi.
Nous ne remarquons pas que notre vision du monde déterministe, occidentale a imprégné toute notre éducation, notre organisation politique et économique, notre organisation des entreprises et même de la famille.
Tout nous paraît évident et tout est comme occulté par cette évidence même.
Nous ne voyons pas  que cette expérience de 500 ans s’écroule en silence.

Que peut-on espérer ?

Faut-il être visionnaire pour entrevoir les solutions nouvelles ? C’est presque impossible.
Les nouvelles théories scientifiques qui ont lentement bouleversés notre science et notre pensée dans les 50 dernières années sont la théorie du chaos, le non-déterminisme, la physique quantique, la découverte des lois de l’infiniment petit…Loin de Newton et même d’Einstein et de tout déterminisme scientifique. Mais, sommes nous capable de prévoir les conséquences ? Nous sommes dans un creu idéologique et nous percevons de manière floue des balbutiements de solutions d’avenir.

Le monde de demain ne sera pas sans doute pas un nouveau paradis, mais ce ne sera pas non plus un enfer.

Nous devons tout faire pour ne pas revenir en arrière vers les solutions simplistes et agressives qui ont toujours conduit à la guerre.
Inutile de sombrer trop bas.

Je dirais que partout dans le monde, les gens sensés sont capables de s’entendre. Sans forcément avoir une vision claire du dénouement.
Encore 10-15 ans et la génération de l’an 2000 prendra enfin le pouvoir et trouvera de nouvelles solutions qu’on n’imagine pas encore avec nos cerveaux formatés au 20ème siècle.
Il faut tenir d’ici là.
Avec simplement une vision humaniste.
Faire barrage aux forces réactionnaires pour passer le relais au mieux.

Lectures: 

définition de déterminisme

définition de la théorie du chaos

Arbre des solutions du problème de la mesure

Sur la limite du déterminisme en physique, Michel Paty , HAL Id: halshs-00167290 : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00167290/document

Edward Lorenz : attracteur de Lorenz  
http://experiences.math.cnrs.fr/Modele-de-Lorenz.html

Théorie des bifurcations : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_bifurcations