La Chine a réalisé les investissements de grande ampleur dans le système militaire.
Sous la présidence de Xi Jingping, le budget militaire a progressé de 78% à 178 milliards de dollars. C’est le second plus grand budget de la planète. Dans la région stratégique de Pacifique, selon plusieurs analyses récentes, les Etats-Unis ont même déjà perdu leur proéminence militaire. Des années d’investissement au Proche et Moyen Orient ont générés une ‘insolvabilité stratégique’ américaine dans cette région, selon les études actuelles australiennes.
L’armée aérienne, avec les infrastructures actuelles de la région, ne semble pas être en capacité de protéger les alliés tels que l’Australie, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud face à la Chine.
Politique maritime
La Chine a lancé en 1980 sa Politique de mer, intensifiée après 1990. Les 8 des plus grands ports du monde sont désormais chinois, l’économie maritime est devenu un des piliers de l’économie nationale.
La mer de Chine est l’objet de fortes tensions et la Chine y revendique plus de 80% des 2.5 millions de km2. La dispute porte aussi sur l’exploitation de hydrocarbures et des ressources halieutique. Le principe de libre circulation y est également perturbé.
En outre, la Chine occupe des récifs et transforme les récifs de Paracels en îlots par poldérisation et artificialisation, De facto, la Chine y crée des territoires, en requalifiant les zones en îles et en y associant une ZEE.
Ces îlots sont désormais militarisés. C’est ce qu’on nomme parfois la « Grande muraille de sable ». Sur ces zones, la Chine a développé les capacités militaires de brouillage de type AD (Acces denial) et A2 (Anti-acces).
Le plus important est de comprendre que 90% des échanges commerciaux mondiaux passaient par les routes maritimes. Ces routes devenaient saturées du pont de vue technique, sécuritaire et géo-stratégique.
L’ambition de devenir la première marine du monde en 2049 est associée désormais au développement de la nouvelle Route de soie terrestre.
Route de la soie (OBOR : one belt, one road), économie et dépendance politique
Pour sécuriser l’accès chinois aux matières et ressources énergétiques, la Route de la soie est ainsi présentée comme un parcours alternatif. En réalité, c’est un instrument géo-stratégique permettant rendre de nombreux pays dépendants de la Chine.
Le financement des infrastructures en dehors de la Chine est colossal.
Il est comparable à l’effort consenti des Etats-Unis au 19 ème siècle pour couvrir le territoire de chemins de fer ou encore à l’effort de reconstruction de l’Europe d’après guerre. On parle des infrastructures variées avec les acteurs qui représentent une centaine d’Etats, abritant 4 milliards de personnes. Le projet s’étend sur 40% de la superficie mondiale et englobe 70% de la population mondiale. Et pour finir, il intègre 75% des réserves énergétiques du monde.
La stratégie chinoise, avec vision à long terme, a conduit progressivement à intégrer les chaînes de valeur vers l’aval. La Chine vise simplement à accéder au statut de première puissance à l’horizon de 2049 (à l’occasion du centenaire de la Chine Nouvelle).
Le projet de la montée en gamme technologique de la Chine (Made in China 2025) ne date pas d’hier. Il a permit de prendre le leadership de l’ensemble des secteurs stratégiques et des activités à forte valeur technologique. La stratégie de Go de la Chine a été sous-évaluée par les occidentaux.
Les atouts de la Chine est son rapport au temps et son pragmatisme cynique.
De colossaux excédents commerciaux offrent des moyens financiers de l’ambition. Les moyens humains massifs et dociles (sous contrôle désormais aussi grâce au numérique) et des technologies de pointe sont disponibles.
Un exemple : de nombreux chantiers en Afrique sont réalisés à moindre coût par les détenus chinois, comme par exemple les infrastructures routières en Ouganda (chemins vers les mines de coltran de Congo). Une nouvelle sorte de bagne.
Nouveau type de goulag
Cette politique de créer une population de masse « punie », puis exploitée dans les travaux les plus durs est fortement inspirée des travailleurs des goulags soviétiques sous Staline. Des millions de personnes ont été déplacés et employés pour » la construction de l’Union soviétique ». Elle ne pose pas de problème aux dirigeants chinois qui l’ont réactualisé et peaufiné. Les millions d’ouïgours sont dans les camps, interdits de se déplacer librement et « rééduqués ». Sans doute cela ne choque pas l’occident, car ils sont de religion islamique.
En outre, les villes chinoises payent les subventions massives aux terminaux de départs de marchandise par conteneurs pour favoriser le ferroviaire. Et pour finir, la Chine utilise sa capacité à corrompre ou rallier à sa cause les dirigeants politiques avec vision à court terme, soucieux de leur échéance électorale.
Pour toutes ces raisons, les contestations de la politique chinoise ne sont pas si audibles. De plus en plus de pays de la Communauté européenne tombent dans le filet. On peut le dire : ils perdront un jour leur âme dans ce jeu de Go géant.
L’investissement de 850 milliards entre 2011 et 2016 et sa distribution par zone géographique :
D’autres pays, y compris en Amérique du sud et Europe occidentale (l’Italie, le Portugal, la Grèce) n’ont pas résisté à la manne de financement proposée par le gouvernement chinois. Dans les instances internationales, ces pays s’abstient de voter, lorsqu’il vaut critiquer la position de la Chine.
La Chine a les moyens grâce à l’excédent commercial colossal, lui-même financé par notre consommation et également notre désindustrialisation.
La face caché de notre dépendance : terres rares et métaux rares
Le sujet sans doute le plus sensible concerne l’accès aux terres et métaux rares. A titre d’exemple, il s’agit de métaux nécessaires pour la mise en oeuvre d’un véhicule hybride : cérium, lanthane, europium, aimants au néodyme, praséodyme, terbium, dyprosium et terbium, etc. Leur extraction est extrêmement polluante et nous avons tous fermés les yeux sur les conditions catastrophiques d’extraction pour les populations concernées en Chine. Certaines villes en Chine sont appelées les « villes du cancer » comme Baotou en Mongolie intérieure (province chinoise). Aucune famille n’est épargnée par la maladie grave dans les environs des exploitations.
La Chine réalise 97 % de la production mondiale, dont 70 % sont traitées à Baotou par l’entreprise d’Etat Baogang. La Chine produit l’essentiel des terres rares et un ensemble de 17 métaux indispensables aux technologie de pointe (téléphonie, écran, véhicules électriques, éoliennes, radars, missiles, drones…) et donc aussi à l’armement.
Notre choix naïf : sous-traiter l’extraction
Le monde a sous-traité à la Chine cette extraction qui est un désastre écologique et sanitaire autour des zones de production. Pour comprendre, l’extraction nécessite l’utilisation d’une quantité importante de l’eau et de substances toxiques qui ensuite polluent les terres et nappes phréatiques. La pollution crée de véritables lacs opaques, déversoirs de dizaines de kilomètres de liquide stagnant, chargé de produits chimiques dans ces zones.
Nous avons sans doute imaginé d’acheter les métaux et terres rares extraits et continuer à garder la production « propre » des industries numériques et de la green-tech ? En effet, ces industries d’avenir ne peuvent pas se passer de terres et de métaux rares. Nous avons exporté aussi la pollution. Mais désormais, nous allons le payer.
La stratégie de poupée russe en version chinoise
Pourtant, la stratégie de la Chine a été pourtant claire et appliquée sur tous les autres secteurs d’activité depuis trente ans. Il s’agit après l’extraction des matières premières de passer à l’intégration progressive des unités de production, la commercialisation des composantes. Le cycle aboutit systématiquement à la vente du produit fini.
L’Europe subventionne le consommateur de la green-tech , fabriquée en Chine.
Il suffit pour cela manipuler le cours des matières rares ou bloquer l’export des terres rares (le Japon en a fait l’expérience en 2010). C’est ainsi que les industriels ont été progressivement invités à installer leurs usines sur le territoire chinois, faute de cela, pas de matière première livrée pour leurs usines!
En d’autres termes, nos industries du future sont devenues entièrement dépendantes de la Chine à cause des métaux rares et des terres rares. En dehors de la Chine, les exploitations (pas les réserves) se trouvent dans quelques pays. Mais ces pays sont souvent sous l’influence grandissante de la Chine (Kazachstan, Congo, Rwanda, Turquie, Birmanie, Burundi, Thaïlande, Brésil et le Vietnam). Autrement dit, ce sont des pays qui ne peuvent pas se permettre de rejeter ‘l’aide chinoise’ ou le plan de la « Route de la soie ».
Les terres rares sont aussi une arme de riposte pour la Chine
Les terres rares sont une arme de riposte pour la Chine dans le bras de fer avec Trump.
C’est pourquoi les Etats-Unis ont dévoilé récemment leur plan pour garantir l’approvisionnement en 35 éléments stratégiques en dehors de la Chine. Mais il ne s’agit que d’un plan et tout est à faire. En attendant, la Chine menace déjà de couper le robinet.
En dehors de la Chine, il ne reste que le Brésil et le Vietnam qui présentent un potentiel de production important (22 millions sur un total de 120 millions ).
Et la France?
Nous avons avec Rhone Poulenc installé le savoir faire de la transformation en Chine, abandonnant l’extraction. Il nous reste le scandium et l’yttrium et le potentiel du domaine maritime des DOM-TOM. Mais, sans oublier que l’extraction est polluante et radioactive et l’extraction en profondeur onéreuse à amortir. Tout reste à inventer.
Nous n’allons pas non plus accepter de payer le prix écologique de l’extraction en sacrifiant avec cynisme la population locale comme en Chine. Mais, quelle autre solution avons-nous en Europe pour sortir de l’impasse?
Va-t-on accepter la colonisation chinoise du monde avec l’imposition à terme de son modèle de société? La Chine progresse lentement, avec vision à longue terme, pion par pion, comme un jouer de GO.
Entre temps, les diplomates chinois nous offrent des panda pour soigner l’image du pays, soucieux de la protection des animaux.
Et nous avons Greta qui pérore sur LA solution écologique. Cela occupe des média.
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