Je regarde autour de moi, rue piétonne populaire de Stockholm, animée, les poussettes et des ados partout.
En 2010, un kamikaz s’est fait exploser ici en blessant plusieurs personnes. Cette année encore dans cette même rue, le 7 avril une voiture bélier a fait 5 morts et 14 blessés, le hasard cruel. Le conducteur Rakhmat Akilov, ouzbek sympathisant d’Etat islamique a reconnu son acte. Il a été trouvé en quelques heures par la police et emprisonné.

Je regarde autour de moi et je pense à ceux qui ont vu leur vie basculer ici. Si je perdais mon mari ou mon gamin dans ces circonstances, comment ne pas se transformer à son tour en exécuteur.
Je me demande ce qui pourrait m’en empêcher. Sans doute uniquement l’éducation.
Rakmat Akilov était un ouvrier en situation irrégulière qui n’avait pas une grande capacité de discernement . Par contre le prêcher, qui l’a poussé à faire cet action au nom d’Allah, mérite d’être traqué sans merci. Akilov a reconnu son acte et a été condamné. Le prédicateur continue à sévir.

Face à des prêcheurs de haine, les lois sont souvent faibles. Au nom de la liberté d’expression, nous laissons faire et les preuves sont juridiquement bancales. Ils le savent bien. Ils savent aussi où ils doivent se planquer pour agir en toute impunité.
Quand le tueur a été trouvé, des passants ont couverts de fleurs les voitures de polices et ont apporté des pâtisseries et des fleurs aux policiers pour les remercier. C’est gentil. Mais ça nous fait une belle jambe.

Je ne suis pas un défenseur de régime policiers et je connais suffisamment le danger des lois qui se retournent contre les libertés individuelles. Je ne pense pas qu’il faille à tout prix troquer la liberté contre la sécurité. Mais il faut se donner les moyens juridiques pour condamner les prêcheurs dangereux.

La Suède, au nom de la démocratie qui est ici très avancée, montre selon moi très bien la confusion typique entre le laxisme, la complaisance et la nécessité de préserver nos valeurs démocratiques et de respecter la liberté d’expression. Pays très libre et à la pointe de la démocratie, mais avec des lois antiterroristes archi inexistants qui ne permettent pas agir actuellement face à un niveau de risque qui est ici désormais considéré comme important, suite aux retours de la Syrie…

La Grande Bretagne fermant les yeux sur son Londonistan, croyant acheter la paix sur son île a pendant des années hébergé les prêcheurs fondamentalistes notoires sur son territoire. La France achetait le calme des banlieues chauds dans les années 2000 en laissant faire le job social par le Tablig et les salafistes. La Suède ne vote toujours pas les lois antiterroristes digne de ce nom.

Il est difficile de rester droit dans ces basquettes, conserver ses idées humanistes et ne pas se perdre dans la pseudo tolérance désespérante et ne pas voir le monde tel qu’il est.
Parler de tout le monde juste gentiment…c’est aussi laisser faire. Ce n’est pas non plus si humaniste que cela. Tolérer selon le dictionnaire veut aussi dire laisser faire. Alors je ne suis pas toujours tolérante.
Voilà, ce qui m’inspire la Suède : il faut accepter que l’établissement des limites précises au sein d’une communauté humaine est nécessaire pour préserver la vie de ce petit dans sa poussette.

Mais c’est parfois difficile de garder le cap. Il est très difficile de parler ouvertement de ces sujets sans se faire étriper.

Il y plein de sujets comme celui-ci qui soulèvent tout de suite les émotions fortes…

Je pense par exemple qu’on puisse à la fois condamner l’antisémitisme et en même temps ne pas accepter la politique de colonisation de Netanyahou.
Pourquoi on ne puisse pas comprendre la vie difficile des gazaouis et détester le mur et le passage d’Erez et condamner aussi sans hésitation le terrorisme de Hamas et la politique corrompue de Fatah, le trafic iranien d’armement qui nourrit le Gaza en missiles de provocation à tires ‘imprécis’ pour maintenir la terreur depuis des années et empêcher tout apaisement.

Je peux ne pas accepter l’islamophobie de ceux qui sans réfléchir condamnent 1.3 milliards musulmans de la planète en les mettant dans le même sac que les activistes islamistes radicaux. Souvent sans connaître leur diversité culturelle et spirituelle.
Je peux aussi souhaiter qu’on n’accepte pas à bras ouvert les envoyés des mouvements islamistes politisés incompatibles avec la République qui nous installent chez nous les écoles et élèvent ainsi sur nos territoires les élites d’opposition à notre propre systèmes politique laïque et démocratique. Pourquoi faire?

Je peux être un farouche ennemi de Poutine, de Bachar et d’Erdogan, mais ne pas aimer du tout la façon dont l’occident a géré la guerre en Syrie, en faisant croire qu’on soutenait pendant 5 ans les rebelles « laïques » et une opposition 100% saine face à l’armée syrienne et la coalition chiite. Et même ne pas aimer notre intervention en Lybie lancée sans aucune anticipation de la sortie du bourbier qui nous met aujourd’hui dans les mains de Haftar.

Je ne suis pas un anti américain primaire qui refuse de voir l’utilité de l’alliance atlantique pour en arriver à préférer Poutine ou les pays d’Alba. Mais je peux aussi condamner la politique des faucons du complexe militaro-industriel américain, qui ont désormais bien en main le marchand Trump et qui s’efforcent encore à maintenir les pôles de conflits rentables au Moyen orient. Pour refourguer encore 110 milliards de contrats militaires à l’Arabie Saoudite en leur faisant croire que sans cela ce pays va être rayé de la planète par l’Iran en 3 jours…
Je peux critiquer la position de Trump face à l’Iran qui permet surtout de justifier les nouveaux contrats de vente et forcer le Qatar à s’aligner sur l’Arabie Saoudite. Et je peux ne pas aimer du tout le régime corrompue et policier iranien dans les main des Pasdarans et leur provocations constantes face à l’Israël. Je peux aussi reconnaître leur utilité et leur implication forte dans la guerre contre Daesch…
Le monde est compliqué et le jeu des alliances de plus en plus imbriqué et parfois contradictoire. Il y a de quoi se faire mal comprendre.

La ligne de conduite possible serait, me semble-t-il :
« Si je regarde cette rue, cette jeune maman avec sa poussette qui met une telle énergie à élever son petit, comment faire pour que son gamin un jour ne perd pas la vie bêtement au nom d’une religion obscurantiste, d’un prêcheur de haine mégalomane, d’un dogme meurtrier. A cause d’un semeur de la haine charismatique qui ne va pas aimer sa couleur, sa confession ou simplement son statut social et va ordonner sa punition . »
Donc oui, je voudrais que la justice ait des moyens efficaces pour prévenir et pour agir. Que le pays ait les moyens d’éviter que ces semeurs répendent leurs graines de la haine sur nos territoires. Et ceci éviterait aussi que les justiciers autoproclamés s’y mettent.
Ce n’est pas forcément de mettre en place un régime liberticide, mais de s’adapter à de nouveaux risques, dans un monde qui a beaucoup changé.
Pas simple.

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