Deux faisceaux de données qui en apparence n’ont rien à voir, se télescopent dans ma tête.

Je reviens d’un salon pro de Frankfurt. Je vois partout la tendance « le monde miniature ». En politique et en magasin.

Je lis un article sur un mouvements nationaliste occitan qui a le vent en poupe comme tous les mouvements séparatistes et régionalistes en ce moment, soutenus en douce par quelques puissances autoritaires qui aspirent à mettre la pagaille chez les voisins. Leur slogan du jour sur l’affiche était : « On est chez nous ! ».

Je lis ensuite l’article sur les récentes élections tchèques. 51% des électeurs ont réélu Zeman, ce populiste invraisemblable, ex-communiste, anti-européen et qui tient debout grâce à un pieu enfoncé dans le dos, délabré par une consommation excessive de l’alcool, le tout croisée avec un début de démence sénile. Zeman avait émergé grâce à un mouvement ‘apolitique’, dont le slogan fut aussi sans étonnement : « Nous sommes chez nous ! ».

Parenthèse : Les Tchèques affichent actuellement sur FB les mêmes cartes statistiques qu’on a vu en France, en Allemagne, en Hongrie ou même en Turquie. Le personnes avec le niveau d’éducation supérieur et les urbains n’ont pas voté Zeman, les zones rurales et les ouvriers si.
Dans ce petit pays : il n’y a presque pas de chômage, un quasi plein emploi, pas d’immigration, pas d’attentats. Le pays ne s’est jamais objectivement aussi bien porté.
Les élections ne sont pas corrélées à la réalité économique. Il n’y a pas réellement 51% des gens qui vivent moins bien qu’avant.
Si on en déduit qu’il faudra juste les former plus et que le BAC+5 pour 100% de la population va résoudre le problème, on se trompe aussi.

51% de tchèques, de turques, de hongrois et d’américians et bien d’autres nationalités ont le même ressenti, la même peur légitime : d’être largué dans un monde trop vaste, de perdre demain ce qu’ils ont, de ne pas suivre les 48% de la population qui donne l’impression de comprendre où va le monde en deux clics sur la tablette numérique et qui s’éloigne d’eux surtout de plus en plus vite.

On ajoute à cela cet insupportable écart de richesse relatif, réel ou perçu, aucune importance.
La richesse en absolu ne veut rien dire et cela depuis toujours.
Seul le niveau des écarts de richesse crée l’insatisfaction profonde dans un groupe et par conséquent, un risque d’avoir un jour au pouvoir un ‘poutiniste’.

C’est à dire, un chef de meute à grosses coucougnettes qui va, croit-on, arranger le problème. Comme en Russie ou en Corée du Nord.
Sauf que le mâle dominant autoritaire poutiniste se sert toujours d’abord à la gamelle. Plus il arbore de coucougnettes et de muscles de gonflette, plus il est agressif et plus vite il éliminera la concurrence à la gamelle.
Voilà comment il ne va pas du tout régler le problème des écarts de richesse. Les futures déçus de la gamelle seront prier de se taire où aller en prison et aux travaux forcés.
En attendant on vote tout de même : « on est chez nous »!

Le bon marketeur fait évidemment de ce ressenti négatif une offre.
De ces ‘peines’ et de ces ‘peurs’ naît un business, comme un bon politicien en fabrique un parti.

Depuis des mois on miniaturise : c’est partout le petit monde, le petit chez soi.

On a lancé en 2017 d’abord le mini-gardening. Le dernier salon des tendances DYI 2018 débordait aussi de objets miniatures.

Le « monde miniature » écolo pour l’urbain dans un appartement de 25 mètres carrée, sans jardin et sans balcon. L’urbain fabrique son décor miniature vert à base de plantes succulentes en plastiques et à l’aide de cailloux achetés en filet et bien aseptisés.
« Votre petit jardin miniature, sans entretien, votre « petit coin vert » sur l’étagère. »

Et, pour faire encore plus miniature , plus protégé, ce jardin rabougri, depuis le dernier Noël est mis obligatoirement sous cloche.
Dans le monde urbain, le décor vert est sous cloche en verre. Pour les moins riches sous une cloche en plastique.
J’ai déjà en stock les œufs de Pâques version « cloche en forme d’œuf » pour y enfermer bientôt aussi le mini poulailler et même le lapin, pas plus grand que 3 cm.
Pourquoi d’un seul coup, nous avons tous besoin d’acheter une cloche en verre?

Salon tendance 2018 : nous attaquons la tendance « le petit coin miniature » rabougri avec les kits pour adulte.
 » Il vous manque votre pièce atelier, la cuisine est trop petite ? Faites votre pièce miniature en kit. »
Miniature DIY (Do it yourself, pour les largués) est un décor qui rentre même sur une étagère Billy d’Ikea.
Le coussin fait 2 cm carrés, il faut le découper, rembourrer et coudre soi-même. L’ensemble fabriqué avec juste 4 cm de tissu à petites fleurs, elles-mêmes miniaturisées ! Des heures d’occupation inutile et apaisante pour 19.95 €..

Rapetir, rabougrir, resserrer, recroqueviller, pour se rassurer et se renfermer, oui mais « c’est petit, mais chez VOUS » !

Voilà une tendance qui fait fureur.
Partout. En politique comme dans les magasins.

Nous en sommes là. Retour à l’enfance et dans le passé.

Infantiliser.
Un besoin de revenir dans l’enfance, voir sous la jupe de sa maman. La grosse trouille de l’avenir.
On se roule par terre et se chope une crise de nerfs de gamin de 2 ans qui dit non à tout.
Non à tous les référendums pour emmerder les parents.
On vote pour le grand père qui titube qui ressemble au Père Noël et parle comme lui. Il a promis des cadeaux.
Pour le moment, les hommes font dans la rébellion puérile.

Et dans le retour en arrière. Bientôt dans l’utérus.
Trop de numérique ?
On déterre le coloriage pour adulte et la calligraphie et des tonnes de feutres colorés. Et les cartes postales à colorier. En plus, ça calme le stress.
Je suis aussi en train de colorier une affiche du monde de 2m de longue au feutre et au crayon aquarellable sur ma table de salon.
« Coloriage, c’est plus fort que toi! »

Même le crochet à loquet pour le tissage mural des années hippies redevient à la mode.
Et le macramé ! 1960.
Un paquet de gens font le demi-tour à toute vitesse !

« Tu n’as rien compris à la technologie de blockchain ? Tu as peur de te faire dépasser par l’IA ? Les avions et le monde rempli de mosquées te fait peur ? Va faire du macramé ! Reste bien chez toi, et mets-toi sous une cloche, Kardashian le fait aussi. «

Par conséquence,il est temps de commencer à envisager une nouvelle tendance de marketing : la Variété Fédérée.

  1. Combattre uniformité :
    Le monde est plus accessible, mais à force de tout aplatir et d’uniformiser, de faire partout le même motif sur le tissu, l’homme rebelle finira pas s’ennuyer.

La première mouture de solution est généralement pas toujours au point et pas très créative : c’est le « marketing revival ».
L’homme commence d’abord à réclamer la croix occitane comme motif à la place de la fougère internationale.
Non à la solidarité universelle, non au partage interrégional, non à l’ouverture aux autres. Et surtout non au mélange.
A la manière d’un marketeur en panne d’idée, la première révolte n’est pas vraiment la version disruptive.
C’est la tendance ultranationaliste régionale. Sous cloche locale.Tout est juste petit et plus rabougri.Du déjà vu.

En réalité, il faudra bien tenir compte de ce dégoût de l’uniformité. De ce risque de tout aplatir par le dernier book de tendances internationales.
Sinon, nous risquons le retour à l’organisation en clan feudal avec les armoiries, ethnie par ethnie, chaque clan bien « chez soi ».
La Micro société, sous une toute petite cloche qui bataille pour sa place sur l’étagère. Comme une ethnie qui combat pour son territoire « purifié »de l’autre ethnie.

Pour 48% de personnes, la mondialisation signifie l’ouverture et plus de possibilités, pour 52% de la population, elle signifie l’uniformité et la perte de repères.
Les deux positions sont des sources d’inspiration pour inventer et adapter des trajectoires dans le futur, si on ne veut pas juste copier le passé.

C’est le job des bons chefs de guider toute la troupe et pas seulement 48% qui n’en n’ont pas réellement besoin. Ceux qui n’ont pas besoin d’aide sont très rarement majoritaires dans une population.
Or, d’avoir besoin d’aide n’est pas déshonorant. Et ne mérite pas le mépris. C’est aussi une sensibilité des prudents, utile à l’humanité.

La réponse facile consiste à proposer la miniature, donc la mise sous cloche locale, corse, catalane ou picarde croisée avec le retour vers la mode des années 60.
Tout cela manque d’inspiration.

  1. Minimiser des problèmes, c’est comme refuser de voir les défauts du produit.

Chercher à ramener chaque problème à son village et gérer d’abord le problème de son petit clan local? C’est voir PETIT. C’est proposer la fausse simplicité. C’est le produit discount mal fabriqué. Solution cheap et rapide, jettable.

Les problèmes existent, mais ne sont pas petits. Il faut donc nécessairement voir grand. Et les solutions sont variées, innovantes et nécessitent des expérimentations, des « marchés tests ». Et R&D et investissement.Et la collaboration à grande échelle.
Et il y aura des échecs.

Il reste par exemple le problème du pauvre du monde. Grand problème.
Le seul problème d’un homme pauvre est qu’il n’a pas d’argent. Il ne consomme pas et tout le monde s’en fou dans une société où celui qui compte doit consommer..
Il reste 10% de personnes sur la planète en dessous de seuil de la pauvreté.
La bonne nouvelle est qu’en 50 ans, nous sommes passés de 50% à 10%. Encore un peu d’effort ! C’est donc parfaitement faisable de terminer à zéro.

Sur ce sujet l’expérience disruptive de GiveDirectly (Chris Blattman) est limpide. « Les pauvre savent très bien de quoi ils ont besoin, pas la peine d’inventer les solutions à leur place. Il suffit de leur donner le moyen de se débrouiller, donc leur donner ce qu’il leur manque le plus pour s’en sortir : et il s’agit juste de l’argent. « Si on n’ pas la fibre humaniste, au moins on peut trouver une autre motivation. Cela en fera les consommateurs.
Grande solution. Et il y a des hommes qui osent penser autrement et expérimentent.

Un second grand problème à résoudre : l’écart injustifiable de richesse.
Celui qui a vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup moins d’argent que le chef de la meute et qu’il est dans la même tribu, ne trouve pas forcément cela tout à fait normal. Même s’il n’est pas totalement pauvre. Car tout est juste bêtement relatif.
Si les très, très, très riches pensent qu’on pourra rassurer les gens éternellement avec ‘on est bien chez nous ! » et les occuper à fabriquer les coussins de 2 cm carrés sous cloche, ça ira un peu, mais tout le monde finira par se lasser.

Faire plus petit, plus rabougri, c’est aussi minimiser pour se rassurer.
On ne va bientôt pas y arriver à miniaturiser encore plus ce grand problème lié à la concentration des moyens de production.
La conséquence humaine des échelles de notre nouvelle économie issue de la révolution numérique doit être pris en compte sérieusement.
Il faudra donc y penser avec de grands moyens. Et les solutions ne sont ni simples, ni faciles et sans doute seront très variées. Une mosaïque colorée de solutions.

Une nouvelle tendance marketing serait donc de faire grand autrement.

Augmenter et élargir vers une infinie variété sans barrières.

Se fédérer pour lancer une variété de grandes solutions.

Sinon, les gens finiront par sortir de chez eux, vont balancer les cloches miniatures avec les plantes succulentes en plastique à la poubelle. Ils vont réclamer la vraie nature, un vrai jardin et les fleurs différentes chaque mois de l’année.Et c’est logique.

L’homme est copieur, prévisible et influençable. Mais pas totalement idiot.

Tout dépend tout de même de ce qu’on lui offre comme « nouveauté à copier».

Quand il n’y a rien à se mettre sous la dent, le risque c’est que le mauvais marketeur vous fait consommer des remakes. Une nature sous cloche en plastique.
Comme un mauvais architecte fait du néoclassique.
Le mauvais politicien en panne d’idée sort de vieilles recettes dogmatiques et nationalistes.
Et 51% de ceux qui ont trop peur, nous enferment un jour tous sous les cloches.

Revival marketing a toujours était plus facile que la vraie innovation et la vraie nouveauté.

Notre petit monde est-il en panne d’idées nouvelles pour faire à la fois plus grand, plus varié et plus ambitieux pour tous?
Où, c’est juste une mauvaise communication de la part de ceux, qui ont des idées nouvelles pour entraîner tout le monde?