Depuis quelque mois, j’utilise le Machine Learning dans ma recherche créative.
L’algorithme de type GAN (Generative Adversial network) et la démarche appelée Machine Learning (ML) sont un moyen pour générer des images à partir de données fournies en entrée du programme.
(voir les définitions plus précises dans mon post « Les notions de base de machine learning.« )
De nombreuses personnes me regardent avec le sourcil levé lorsque je dis que j’explore le calcul d’ordinateur comme un nouveau moyen d’inspiration.
Parfois avec étonnement, souvent avec désapprobation. Un artiste aurait-il besoin d’un ordinateur ? N’est-ce pas un aveu de manque d’idée ? Un mariage contre nature ? Je réponds que c’est juste de la curiosité d’exploration.
N’est-ce pas justement le fondement même de tout artiste de rechercher sans cesse de nouvelles méthodes de travail ? Doit-on manier exclusivement un crayon et un pinceau pour trouver une idée ?
Comment les artistes réinventent-ils leurs sources d’inspiration ?
Au début du siècle dernier, les artistes se groupaient selon les courants artistiques et passaient du temps ensemble pour s’influencer et s’inspirer. Au début du vingtième siècle, les mouvements artistiques étaient des lieux de brassage d’idées. Les artistes confrontaient des méthodes de travail et se copiaient abondamment. Certains tableaux cubistes de Braques et de Picasso sont presque difficiles à différencier.
Les dernières décennies, l’art est redevenu une affaire de création individuelle. Les artistes explorent de nombreux médias, mélangent des matériaux, le volume, la vidéo, le son avec les éléments picturaux plus traditionnels. Ils consultent Pinterest et Instagram pour voir les réalisations du monde entier. Ils sont rares à travailler de manière collective au sein des associations et de résidences d’artistes. Le plus souvent, chacun se penche sur son travail personnel comme un loup solitaire.
Les artistes ont appris également à travailler avec les outils numériques de dessin et de conception graphique, parfois en produisant les images purement numériques. Depuis peu, un marché d’art numérique commence à apparaître avec les certificats numériques.
Cependant, si les influences sont mondiales, le contexte rend très difficile la recherche de singularité
Avec l’arrivée des réseaux sociaux et les plateformes d’échanges comme Pinterest, Instagram, Deviantart, Behance, les artistes se sont interconnectés à l’échelle mondiale, sans pour autant toujours communiquer directement.
Des influences sont donc désormais planétaires avec l’effet à la fois positif et négatif.
Car, la diversité et la richesse d’inspiration extraordinairement accessible ne rime pas toujours avec le développement de singularité, mais conduit aussi vers un conformisme mondialisé.
De surcroit, est difficile d’émerger de cette masse d’images. L’affichage obligatoire sur les réseaux sociaux favorise une production de masse d’images ultracolorées, new pop et inspirées de manga et de cinéma. Ces images rendent correctement sur un écran de téléphone mobile en petit format. Difficile d’apprécier par exemple une texture subtile.
Il faut plaire vite, car le public ‘swipe’ avec le pouce au rythme d’une seconde par image.
La subtilité et l’observation lente sont difficiles à vendre.
Comme tout artiste, j’ai envie parfois de baisser les bras en me disant que tout a été déjà fait ou dit. Qu’il soit impossible de faire une percée dans cette avalanche d’images mondiales. Que je n’ai pas envie de faire le marketing de complaisance.
La recherche de l’originalité est difficile. Surtout lorsqu’on sait que le plus vendable est le « déjà vu » rassurant.
C’est dans ce contexte que l’artiste doit trouver sa voix et de nouvelles inspirations.
Le Machine Learning , est-ce une fausse piste pour l’inspiration artistique?
Doit-on rejeter ce nouveau moyen technologique ? Va-t-on remplacer mon travail, mon expérience et ma recherche pour proposer que les images molles de l’ordinateur compilant les inputs photographiques des tiers ?
À l’instar du premier portrait de l’IA « Belamy » ou du tableau numérique de Beeple, ces objets vendus à des prix astronomiques?
C’est malheureusement une voie qui existe avec les premières réalisations vendues par Sotheby comme toujours avec la prime au premier. Les candidats pour marketer un grand n’importe quoi sans effort sont nombreux. Les marchands et des acheteurs snobs fabriquent aussi une part de ce marché de dupes.
Je ne veux pas nier des effets négatifs collatéraux, des coups médiatiques des marchands d’art friand du ‘NOUVEAU’ comme jadis on recherchait le « Vu à la TV ».
Aborder le sujet ainsi, c’est partir à mon avis dans l’impasse et jeter le bébé avec l’eau du bain.
A contrario, utiliser la machine pour augmenter et varier les sources d’inspiration est une piste intéressante.
Doit-on avoir peur de l’IA dans l’art, fermer les yeux ou pousser des cris horrifiés ?
C’est ni plus ni moins une question d’éthique ou d’exigence personnelle. Désire-t-on être avant tout un commerçant qui attire les crédules sur les sites de vente “d’œuvres numériques” avec des images fabriquées par un compilateur ? A-t-on un minimum d’exigence en tant que concepteur ?
Faisons une comparaison avec un pâtissier. Doit-il vendre un flan industriel fabriqué avec une poudre à diluer ou le faire correctement avec les œufs et la crème ? Le résultat est différent. Le choix des matières et le processus de fabrication ne sont pas identiques. Il y a un marché pour les deux produits. Le palais et l’exigence de l’acheteur jouent également.
Comme toujours avec la technologie, nous pouvons faire de belles choses ou de l’escroquerie.
Notre existence n’est pas fondée que sur le numérique, mais il fait partie de notre monde. Je pense qu’il faut le dompter et qu’il est possible d’intégrer dans notre quotidien comme un nouvel outil.
Mon objectif est de comprendre, d’utiliser, de tester, de me faire mon opinion en travaillant avec des technologies et plus précisément avec l’IA et le Machine Learning. J’ai toujours aimé les nouvelles possibilités offertes par la science et la technologie. La survie est dans l’adaptation et dans la métamorphose plus que dans le rejet et la peur du nouveau.
Dans les chapitres suivants, je vais essayer d’écrire comment je suis arrivée à l’utiliser dans la conception et comment cela fonctionne concrètement.
Suite dans les articles :
- Comment je voulais réconcilier le numérique, l’art et le vivant. (2)
- COMPRENDRE LES NOTIONS DE MACHINE LEARNING ET DU GAN ART. (3)
- LES TENDANCES ACTUELLES DES APPLICATIONS GAN DANS L’ART (4)
- Mes filtres créatifs : playform.io/hana