Nietzsche a peut-être raison : il faut du sublime et du comique.
Chaque philosophe a sa théorie sur ce que je devrais faire devant une toile blanche.
Malgré la puissance de leurs analyses, ces grands penseurs comme Nietzsche , Kant ou encore Hegel arrivent à ne pas être d’accord entre eux. Cependant, il est toujours intéressant de s’interroger avec leur point de vue magnifiquement argumenté sur l’acte de peindre. Nul besoin de tout approuver. Car, ces génies n’ont pas besoin d’avoir raison. Nous pouvons ne pas être d’accord avec eux et pourtant enrichir notre réflexion. La seule obligation étant une lecture attentive pour essayer de dégager quelques pistes pour notre propre parcours de la pensée.
Aujourd’hui donc, les conseils de Nietzsche. L’art comme une remède, « rédemption de celui qui sait ».
Deux idées majeurs à retenir. La quête de la vérité est une entreprise risquée et même parfois contraire à nos intérêts vitaux. Et comme la vérité et l’erreur sont des valeurs relatives à la vie même, l’art devient plus important que la vérité elle-même. Il exerce une ‘fonction protectrice’.
Une fois que Nietzsche démonte la pensée des autres comme des fictions philosophiques, il lui reste le tragique de la vie sur les bras. Platon aurait donc inventé une fiction rassurante ( « lâche ») d’un monde immuable et éternel (Héraclite fut selon Nietzsche plus courageux). Spinoza propose la fausse causalité et d’autres la croyance au libre-arbitre. Tout ceci pour masquer le caractère périssable de toute chose, le tragique de la condition humaine!
Nietzsche affirme qu’il faut avec du courage accepter le réel et même le pire dont on ne doit rien retrancher. C’est ça le courage. Mais, si la vérité est tragique, il faut aussi concilier le tragique avec l’existence. C’est précisément à ce point qu’intervient le rôle protecteur de l’art.
« Nous avons l’art afin de ne pas mourir de la vérité. »
Et quel est l’action de l’art pour que notre esprit supporte le tragique de la vie?
La question de l’art est centrale dans toute l’oeuvre du philosophe, mais les essais entièrement consacrés à l’art est ‘Naissance de la tragédie » et la « Volonté de puissance », en dehors des échanges sur et avec Wagner.
C’est dans son premiers essai publié en 1871 qu’il développe les fondements des deux principes esthétiques l’appollinisme et le dionysisme. Voir pour cela mon articles qui détaille les deux principes.
Aller au-delà à de « belle apparence » par le mélange (en tension) de sublime et de comique ?
Selon Niezsche, si l’art peut vous guérir, il ne s’agit pas du coloriage anti-stress du rayon de la Fnac sur l’Art Thérapie. Ni de sa version américaine du Doodling, ce gribouillage créatif à base d’ornements réguliers qui se vend bien dans les magasins de loisirs créatifs. Ni même du mandala à colorier ! Il vise bien plus haut!
Il nous dit environ ceci :
« L’art, rédemption de celui qui sait, de celui qui voit, qui veut voir, le caractère terrible et problématique de l’existence, de celui qui sait tragiquement ».
Fragments posthumes, 1888
Mais alors, l’art serait-il un métier de faiseurs de l’illusion?
Ce n’est pas ceci l’idée de Nietzsche. L’artiste n’est pas là pour vous faire oublier la cruauté du monde avec une ‘fable’ consolante. C’est plus la dernière série sur Netflix. Ou encore, ce serait plutôt le métiers des moralistes et des métaphysiciens! Ce n’est pas inexacte.
Non. L’art est en effet un ‘remède à la connaissance’. Sans lui les promesses de la science moderne ne feraient que nourrir notre nihilisme. Or, pour cela, l’art de fuit pas courageusement la vie. Il est le contraire du nihilisme.
L’art et rien que l’art! C’est celui qui rend possible la vie, c’est la grande tentation qui entraîne à vivre, le grand stimulant qui pousse à vivre.
Fragments Posthumes, 1888
Il y a plusieurs pistes possibles pour assumer cet objectif si noble et si élevé qu’on a le vertige devant sa toile.
Peindre les représentations honnêtes de ses perceptions pour les faire voir sous le jour par lequel le regardeur puisse adhérer? Atteindre une maîtrise artistique de l’horrible et s’y plonger sans réserve ? Ajouter le comique comme un déversoir du dégoût de l’absurde? Tenter l’imitation de l’ivresse pour sortir de léthargique…?
Chez Nietzsche, nous avons droit à deux façon de faire. Il ne s’agit pas « d’embellir. « Ces deux voiles que l’artiste jette sur la réalité, sont le sublime et le comique. Et ils enveloppent souvent la perception de vérité bien mieux que le voile de la beauté.
Un plan en trois point s’impose :
- Ne pas être totalement immergée dans l’ivresse, ni totalement conscient pour peindre.
- Accepter de jouer de manière volontariste avec la réalité. Avoir la capacité de la voir autrement.
- Ne pas aspirer à la vérité, mais à la vraisemblance. Ou rechercher les traces de la vérité.
C’est nécessaire pour moi, pour éviter le dégoût de la mystification simpliste. Mais c’est une position personnelle pour peindre sans se percevoir comme un imposteur.
Pourquoi je préfère Bacon à Hartung ?
Les deux ont arrêtés d’être « simplement beaux ». Les deux sont les peintres ‘chercheurs’ et passeurs.
Mais, je trouve qu’ un tout petit groupe d’artistes, dont Bacon intègrent la nature conflictuelle de l’art entre le sublime et le comique. C’est sans doute pourquoi je préfère Bacon à la rigueur germanique et conceptuelle de Hartung.
De manière générale, nombreux artistes font preuve de la résignation et de la soumission à une vision 100% dionysiaque et non représentatif de l’art moderne.
De nombreux artistes font une sorte de fuite devant la quête de la vérité, un abandon dans le néant et même parfois une prosternation dans la poussière et le kitch. Suivez mon regard derrière le Petit Palais à Paris où un Dieux du marketing plastique se moque du Parisien.
La vérité est énigmatique. Ce n’est pas un bouquet de fleur en plastique qui est à la hauteur de cette quête difficile.
Belle ou bonne peinture
Si une belle rose plaît, c’est que le vouloir est satisfait par son apparence. Une belle peinture signifie que la représentation que nous avons d’une peinture est adéquate.Nietzche