Le taxi Cairo qui conduit sa poubelle de quatre roues (espérons encore fixées) comme un scooter parisien. J’ai droit à la musique couleur locale à fond et à la fameuse cigarette égyptienne. On ajoute un peu de fumée à celle qui m’explose les narines et les yeux depuis mon arrivée. Effet lapin angora. La ville est ce Moloch pollué quand les 20 millions d’hommes s’engloutissent sur un espace limité par les dunes de sable. Sous une gouvernance locale incompétente et sans la moindre règle urbanistique ou vision du développement.

Ajoutons à cela le vieux héritage Nasserien. Le blocage de loyers date de cette époque où les ruraux ont afflué à la capitale remplaçant la bourgeoisie expropriée .Aucun des caïds galonnés au pouvoir depuis Nasser n’osa abolir la loi de peur de l’explosion populaire. Par conséquence, personne n’a depuis les années 50 les moyens d’entretenir l’immobilier. Tout tombe en ruine après 60 ans de laisser-aller.

Poussière, sable et pollution, destruction de la ville programmée. Une désolation tout autour. Dans les quartiers populaires l’air vicié est aspiré par les hommes et les bébés comme en se branchant directement sur un pot d’échappement.
Pour rien arranger, l’économie est en branle. 70% des égyptiens vivaient des revenus directs ou indirects liés au tourisme. Il n y a que 20% de touristes qui sont revenus sur le nombre habituel connu avant  » la révolution » de 2011.

Alors le baromètre implacable des taxis est la synthèse désolante du résultat: » sous Moubarak je payé mon litre d’essence 2 livres égyptiennes maintenant 5… ».
L’impact sur les quelques 40 millions de pauvres (la moitié de la population) est qu’ils passent la journée à chercher de quoi se nourrir le jour même .
Les autres personnes cumulent des petits jobs. Seuls les fonctionnaires restant encore au régime Nasserien et travaillent une heure en moyenne par jour…Pour compléter le salaire minimal, on ajoute le bachsish.
Cette politique de suremploi organisée a détruit l’appareil d’État pour en faire une sorte d’escargot corrompu, gras et endormi qui empêche le pays d’avancer.

Dans la finance il est coutumier de prévenir l’investisseur que les performances passées ne permettent pas déduire des performances futures. L’Égypte avec son passé glorieux extraordinaire ne garantit pas un avenir viable aux Égyptiens. Je dirais même que le pays ressemble plus à un junk bond.
L’Égypte est aussi un formidable laboratoire de la bêtise politique mondiale et locale. Un gâchis désolant.
Soixante ans de régime militaire oppressif passant du conseiller soviétique sous Nasser à Moubarak ami de Bush. Un bref intermède islamiste sous Morsi pour se reprendre vite fait le galonné Sissi.
Sinon l’Égypte devenait une province du Qatar.

L’Arabie Saoudite qui arrosait ici le wahhabisme importé de pétrodollars était au désespoir. Un beau raté politique. Miser sur Moubarak n’était pas le bon choix quand ce foutu Obama le laissa tomber. Heureusement qu’il y Trump pour soutenir l’Arabie Saoudite dans leur lutte antiterroriste (comprendre chiite et frériste).

LEgypte post révolutionnaire, prise de court par la Confrérie et l’islam frériste. Né en Égypte dans les années 20, mais désormais surtout financé par la manne gazière de Qatar. La star des prêcheurs le cheikh Qaradawi, le célèbre prédicateur d’origine égyptien est naturalisé qatari.Mais le wahabisme n’ a pas dit le dernier mot.
La situation du pays favorise la radicalisation. Les salafistes poussent comme des champignons dans les quartiers pauvres. De quoi animer les barbus à la barbe hirsute.La pauvreté est leur pain béni.

Qui peut contrôler le Sinaï ou les 800 km de dunes entre le Nil et la frontière lybienne?
Vendredi 50 garçons y sont morts. Cela fait 50 mères désespérées et 50 vies gâchées. 35 militaires égyptiens et 15 islamistes. Ces derniers ont monté une embuscade à 100 km du Caire à l’armée qui les traque dans les oasis avant qu’ils viennent poser les bombes en ville. Un tas de blessés en supplément.
Alors notre choix dans cet éternel trio infernal?
Devenir copain des Frères côté Qatar pour fabriquer un autre « pseudo Iran » version sunnite, un mirage démocratique « charia compatible » ? Il y a encore quelques années les américains étaient drôlement hésitant. Moins après le passage de Morsi.
Devenir copain des salafistes pour aider L’Arabie Saudite s’agrandir vers le Nil? Ce qui embête Trump est sans doute cette manie à poser des bombes par les adeptes de cette branche préhistorique de l’islam.

Aider Sissi pour mater les éternels opposants islamistes radicaux et espérer que l’islam local orthodoxe chafiite et les coptes survivent?
Sadate, Moubarak , Sissi, voilà, bis repetita. Car les forces d’opposition démocratiques laïques, il faut les chercher à la loupe ou dans les librairies de Saint Germain à Paris. Et surtout il n’y a pas de pétrole ou gaz pour les nourrir.
Et c’est donc Sissi à Paris….et voilà pour une seconde livraison de rafales.. ».EI oblige ».