Evidemment un sujet qui me tient à cœur : observer comment Poutine depuis 10 ans organise la pénétration en Europe dans les pays qui ont été occupés avant 1989 par l’Union soviétique.

Un article (traduit du tchèque) résume  très bien les 4 méthodes :

1. Depuis 10 ans Poutine soutient les parties dites ‘il-libérales ‘, c’est-à-dire les parties qui prônent le régime autoritaire de droite ou de gauche (des leaders d’extrême droite ou des ex-communistes).

Pourquoi ? Ce type de régimes permettent facilement piloter les quelques décisionnaires politiques autoritaires, sans se soucier des institutions démocratiques et des opposants politiques ou médiatiques. Ces hommes choisis deviennent à leur tour des oligarchies corrompues, donc sous contrôle (corruption = contrôle). Il suffit de négocier, soutenir ou coincer un leader au lieu de se débattre avec une opinion publique dans une démocratie et les alternances.

2. Il soutient toutes les démarches, mouvements et discours qui affaiblissent l’Europe, et c’est particulièrement réussi en Serbie, Ukraine, Moldavie et Géorgie et en Hongrie (désormais aussi en Pologne). Quand les pays ont sur leurs territoires les entreprises occidentales ou pratiquent une collaboration forte, y compris financière avec l’Europe, ils échappent à la Russie.

3. Il déploie des ressources de soft power : média, fondations culturelles et religieuses et programmes d’échanges académiques (c’est par exemple le cas massivement en Bulgarie, en Serbie).

4. Le levier le plus puissant est le levier économique. Poutine influence des décideurs politiques et économiques à coup de corruption et grâce à l’investissement dans l’économie locale, de préférence liée à l’énergie. L’empreinte économique est forte en Serbie, Lituanie, Bulgarie 22%, Hongrie 11% et Slovaquie 11%.

Le souci ici n’est pas tant que le capital investi soit russe, le problème c’est ce qu’on en fait ensuite.

Si l’énergie a toujours été un secteur stratégique d’un pays, ce n’est pas par hasard.
Le principe de la Russie dans certains anciens pays de l’ex « bloc de l’est »  d’assurer la domination du marché de gaz et de pétrole, donc de l’énergie, ce qui permet en réalité d’influencer les décisions des régulateurs locaux : toutes les règles de la concurrence, de la fiscalité et de la taxation. Et surtout  contrôler des hommes politiques par la corruption, afin d’éviter toute création de concurrence et de diversification du marché de l’énergie.
Le principe ensuite est de dicter les prix si le gouvernement est ‘favorable’ ou défavorable’ à la Russie. Si le gouvernement est démocrate et libéral, le prix monte.
Les pays qui n’ont jamais réussi à dépendre à moins de 60% de leur énergie de la Russie ont payé par exemple entre 10 et 30% plus cher que l’Allemagne leur gaz, sauf quand il fallait donner un coup de main électoral à un favori.

Les exemples d’application du pouvoir énergétique russe:

a. Ainsi, en 2014, pour aider Orban, la Russie a fait chuté le prix de l’énergie pour favoriser les réélections.

b. Entre 2012-2013 en Bulgarie, la Russie a financé les protestations contre l’augmentation des prix de l’électricité, mais ceci a stoppé immédiatement dès que l’accord pour la centrale nucléaire Belen a été signé avec la Russie et quand la Bulgarie a accepté le pipeline russe vers la Grèce.

En Serbie, Dusan Bajatovic, le leader pro-russe et CEO de SRBIJAGAZ, la compagnie d’état de gaz a bloqué la diversification d’approvisionnement et l’ouverture à la concurrence pour centrer le pays sur l’import russe. La Serbie est devenue de facto une ‘colonie russe’.

c. En Lituanie la Russie a saboté les tentatives de diversification énergétique par la menace de boycott des ports de Lituanie pour le transport russe, ce qui aurait anéanti l’économie maritime de la Lituanie.

d. La pression est également exercée pour obtenir les avantages fiscaux en Lituanie, en Serbie et en Bulgarie. Des schémas de détaxation permettent ensuite à une société comme Lucoil, la plus grande société russe de gaz en Bulgarie déclarer zéro profit localement, ne payer aucune taxe en Bulgarie, alors qu’elle contrôle tout le marché.

e. La Russie essaie par tous les moyens de négocier la participation dans les projets de centrales nucléaires : c’est fait pour la Bulgarie, la Hongrie et la Serbie, qui de ce fait dépendent désormais à long terme de la Russie.

f. En République Tchèque la pression exercée pour entrer dans le capital de la centrale nucléaire Temelin n’a jamais cessé et avec Zeman, qui est pro-Poutine désormais, il est possible que le gouvernement cède. Les tentatives d’activation de manifestations contre le prix de l’énergie ont été observées également en République Tchèque, mais heureusement rapidement dénoncées comme manipulation par les médias.

g. De nouvelles cibles sont la Slovaquie avec Fico et la Hongrie avec Orban qui sont les pays ayant désormais à la tête les hommes proches de Poutine, qui commencent à étatiser l’énergie, et si ces pays n’étaient pas en Europe et n’avaient pas sur leur territoires de nombreuses sociétés étrangères, ils auraient adopté avec la même vigueur et encore plus drastiquement le régime autoritaire de type russe.

Ces marchés colossaux sont les moyens de corrompre les politiques, donc les tenir par le chantage et les fragiliser en les laissant à la merci des décideurs moscovites, comme par le passé.

Résister

Résister, c’est connaître les mécanismes, ne pas céder à la création des règles qui favorisent les trusts et monopoles, protéger les industries stratégiques, média et télécommunication (une autre cible), combattre la corruption, se rapprocher de l’Europe.

De rares succès qu’on peut citer :
Les pays baltes mènent et avec succès une campagne anti-corruption.

L’’agence de renseignent tchèque publie chaque année un rapport publique d’analyse sur l’influence russe et investit plus que l’Europe dans les équipes qui combattent les campagnes de désinformation russe.

Mais, quand on voit la faible prise de conscience des méthodes russes en France , même par les politiques moyennement extrémistes, on peut sérieusement douter de notre capacité à protéger l’Europe et de se protéger tout court contre la volonté de mettre en place les régimes non démocratiques permettant d’enrichir une petite couche d’oligarches autoritaires russes et des idiots locaux cyniques et vendus dans leurs sillage.

infos :https://foreignpolicy.com/2016/12/23/the-kremlins-economic-grip-on-eu

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