Les rencontres dans les rues avec des iraniens. Le besoin d’échange est omniprésent.

Après les mouvements de 2009, le gouvernement a coupé le plus possible les accès aux réseaux sociaux et média. Les brouillages des TV étrangères sont ultrapuissants.
Se connecter nécessite l’achat d’un VPN, d’un satellite (en réalité, il en a partout). Et échanger oralement le plus possible.
Sans VPN, impossible à accéder au FB, au Messenger, aux sites d’informations extérieurs SAUF les autorisés, principalement russes, donc Spoutnik, RT et les iraniens. Dans les hôtels via le WIFI local, un article sur deux de la presse française a été bloqué selon la source que je consultais.

Tout est sous contrôle? En réalité, comme toujours, ce n’est pas le cas.

Dans tous les systèmes totalitaires qui bloquent les accès à l’information libre, la réalité est différente. Je trouve en Iran mes vieux réflexes.

L’information circule vite, avec d’autant plus d’efficacité qu’elle est précieuse? Cela fait partie du défi et de la survie mentale, surtout des plus jeunes.
Celui qui souhaite rester informé, apprend à se débrouiller. Les iraniens acquièrent une capacité à lire entre les lignes et ne pas faire confiance de manière naïve aux sources locales. On parle et discute beaucoup de la politique.

l’Iran est une théocratie islamiste militarisée pas facile à vivre. Mais, c’est aussi une société avec une population chaleureuse, éduquée et vivace, extrêmement désireuse de contacts et d’échanges. c’est une société d’une culture riche avec une diaspora énorme dans le monde entier. Elle représente aussi une autre fenêtre sur l’extérieur.

Voyager coincé dans un groupe, signifie d’être surtout sollicité pour acheter les tapis.

Mais voyager seul, juste avec un traducteur, un guide privé, un accompagnateur avisé, signifie qu’il est impossible de rester cinq minutes sur un banc, sans qu’il y ait un jeune qui vient vous parler  « sous prétexte de pratiquer la langue étrangère « .

Je pense à cette jeune fille d’Ispahan, qui apprend l’allemand chaque jour uniquement via son téléphone mobile.
A ces pauvres immigrés afghans qui font tous les métiers que les iraniens ne veulent pas faire dans ce pays. Ils représentent d’ailleurs aussi la « ressource humaine » militaire pour la Syrie. Ils se prennent en photo avec nous, proposent de partager le thé et de rompre le ramadan le soir sur leur tapis posé au bord de la rivière.
Le ramadan, c’est aussi une occasion de voir des centaines de famille avec leur repas du soir sur les tapis au sol, partout sur les places des villes et les jardins publics. Il est très facile d’être invité.

Je pense à ces jeunes filles en balade dans un petit village qui rigolent avec leur anglais approximatif. Elles parlent toutes en même temps et échangent les petits mots et font des dizaines de photos avec moi au centre.
A ces travailleurs baloutches sombres qui ne regardent pas une femme en face.
J’ai le souvenir de ce petit garçon de 12 ans et sa petite sœur qui se jette littéralement sur moi pour « pratiquer l’anglais «. Il se lance avec un fort accent américain dans un exposé impressionnant. Il énumère tout ce qu’il va faire de sa vie, ses espoirs d’avenir et son projet d’étude, sa perception du monde. Sa petite sœur voudrait devenir avocate, il ne l’a laisse pas participer à la discussion. Déjà, il est le centre du monde.
Je pense aussi à ces autres personnes qui discutent des sujets plus lourds.
Les étudiants qui font de petits boulots. Qui disent que sans les relations proches du régime, leur effort est inutile et l’avenir incertain.

Les mollahs essaient de copier cette convivialité naturelle, mais de manière moins innocente. Devant chaque mosquée des enturbannés qu’on appelle ici parfois des » Iznougoud », organisent le ‘dialogue ouvert’ avec les visiteurs. Ils regardent leurs chaussures face à une femme. Ils endoctrinent que ceux, qui le sont déjà.

Le potentiel de changement est certain, mais encore difficile à imaginer dans le contexte géopolitique actuel.

Si la population semble mûre et désireuse de se libérer, les alliances étrangères du pays n’y sont guère favorables.

La Russie qui chaperonne l’Iran, n’est pas le champion de la liberté pour amener ce régime à assouplir le contrôle de la population. C’est le cadet de leur souci de penser à la vie gâchée des iraniens de 20 ans.
Les intérêts financiers des caciques du régime sont trop importants pour abandonner leurs privilèges.
Ils préfèrent de ménager juste de petites soupapes de liberté que de voir à nouveau les iraniens dans les rues comme en 2009. Cette surprise, ils ne l’ont pas oubliée.
Un iranien m’a dit :

« Tout ce que les Russes ont testé sur leur population pour la dominer est reproduit en Iran. La charia est juste un élément de justification du contrôle et de la soumission. »

Comment on pouvait suivre l’actualité, le jour de l’attentat à Téhéran?

Le matin, l’information a été tout de suite débattue au café où nous nous rendions. C’est réellement EI où c’est un coup des conservateurs pour déstabiliser Rohani ? Comment les dhjihadistes peuvent accéder à l’intérieur d’un parlement tellement gardé ? Un doute plane sur les présents.

Quelque heures plus tard, les données se précisent . les terroristes ne sont pas rentrés dans la zone de parlement inaccessible. Ils ont sauté juste le premier barrage du gardien et se trouvent dans les étages. C’est donc plus plausible et logique…Puis, s’ajoutent rapidement les informations de différentes sources…vers midi, tout le monde accepte l’idée de l’attentat est revendiqué réellement par l’EI.

Confirmation de l’Ambassade française arrive en même temps sur mon SMS.
Ensuite suivent les déclarations parallèles des deux sources de pouvoir : Rohani qui calme le jeu.

Les gardiens de la révolution qui accusent l’Arabie saoudite et Trump d’avoir jeter l’huile sur le feu.

Rappelons aussi que l’Iran a été visé par les attaques de EI depuis fort longtemps.

Là aussi, l’Iranien a l’habitude que les postures des différentes facettes du régime ne sont pas totalement identiques et sait l’interpréter.

Il faut aller sur place, dans tous les régime autoritaire, toujours.

J’ai la rage qui vient du passé. Je rencontre ici mes semblables. Leur vie n’est pas enviable.
Comment briser ce carcan stupide. Comment pulvériser ce pouvoir destructeur que se donnent certains hommes pour détruire la vie et la liberté d’autres hommes au nom d’un dogme.
Que de souffrance inutile.

Des vies gâchées et des espoirs impossibles.
Ce régime s’autodétruira par l’intérieur, comme toutes les autres dictatures, un jour.
Mais à quel prix.
Plus un pays est fermé, plus il faut aller à la rencontre de sa population.
Il faut visiter ce pays. C’est déjà une petite chose qu’on peut faire. C’est apporter de l’espoir, de l’air extérieur.

La prise de distance et la fermeture aux autres profitera toujours aux dictateurs.

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