Dernier mot pour mon père biologique.
C’est aujourd’hui ton jour d’enterrement.
Je regarde sur le mur la copie du tableau du peintre Sodomka, ton homonyme. Tu l’avais peint pendant ton service militaire, sans doute pour pouvoir supporter.
Mon grand-père maternel, peu de temps avant sa mort, me l’avait offert. Il supposait qu’il s’agissait d’une œuvre de valeur du célèbre peintre académique Sodomka. Il possédait en effet plusieurs tableaux de cet artiste tchèque, qui fut aussi son ami.
Il ne savait pas que c’était juste une copie que tu avais volontairement signé en rouge. Ainsi, comme par un coup de destin farceur, il m’offrait solennellement un tableau de celui que la famille maternelle essayait scrupuleusement d’effacer de ma mémoire.
L’original, signé en noir, a été vendu secrètement quand maman avait besoin un jour l’argent dans une période de vaches maigres.
Ta ‘fausse’ peinture est ainsi accrochée chez moi à Paris en face du chevalet et la tour Eiffel, là où je peins aujourd’hui.
Il me rappelle les enseignements utiles :
- L’art aide les hommes à surmonter les moments difficiles de la vie.
- Je ne dois pas gaspiller le talent, mais l’accepter comme un don.
- Je dois l’utiliser sans se décourager et sans s’arrêter au milieu du chemin.
- Comme cette copie du tableau, il prouve que la surface visible n’est souvent qu’une illusion. La réalité est une question d’interprétation subjective.
- La valeur des choses, comme celle de cette toile, n’est qu’une variante temporelle et dépend de celui qui l’évalue.
Je pourrais sans doute me dire devant ce tableau avec regret que c’est tout ce qu’il me reste de toi. Pourtant, j’ai un héritage essentiel. Des gênes que je ne dois pas gaspiller.
Je comprends aussi que les vraies valeurs ne sont pas matérielles.
Je me promets donc de poursuivre le chemin esquissé avec tes pinceaux. Lorsque tu as peint ce paysage de Vysocina, la région de mon enfance que j’aimais tant.
Il n’est jamais trop tard pour la connaissance et la compréhension.