« Le mieux est de n’être pas, le second bien, de mourir tôt. »

Cette phrase résume le résultat de la philosophie dévoilée aux mortels.  Cela signifie aussi que nous avons toujours besoin d’un monde intermédiaire et de son apparence artistique pour supporter la vie. En d’autres termes, qu’il vaux mieux de voir son existence (Dasein) dans un miroir transfigurant. C’est une stratégie géniale, afin de pouvoir vivre « par-dessus tout ».

Peindre, jouer aux jeux vidéo, s’enivrer ou voir l’expo de Bacon, relève sans doute de ce même besoin, de cette stratégie de survie.

Le besoin d’apparence artistique resurgit avec puissance chez nos contemporains.

On peut formuler une hypothèse du pourquoi en relisant les classiques grecs :

« Le mieux est de n’être pas, le second bien, de mourir tôt. » Voici donc qu’à la suite de cette réflexion désabusée, je tente de comprendre les réactions de mes contemporains face aux œuvres du 20ème. Et plus particulièrement l’engouement pour les expositions de l’art moderne.

Voilà, ce que je note sur le combat éternel entre les Apolloniens et Dionysiaques.

Les Grecs expriment et taisent à la fois dans leurs dieux l’enseignement ésotérique de leur vision du monde. Ils ont institué comme double source de leur art Apollon et Dionysos. Il s’agit de facto des styles contraires de l’art qui avancent dans un conflit sans fin pour se rejoindre toutefois parfaitement dans la tragédie.

Les hommes auraient la sensation aiguë d’exister grâce à deux états, le rêve et l’ivresse que représentent ces deux divinités, voilà comme on peut résumer ces deux piliers de l’art.

Le rêve et l’Apollon et la mystification artistique.

Prenons le premier, le rêve Apollonien.  La beauté rêvée du monde est la mère est la mère de l’art plastique comme de la poésie. Ce que Nietzsche nomme la « jouissance de la forme réelle (Gestalt) dans une compréhension immédiate ». C’est le rêve du monde réel où toutes les formes nous parlent, notre impression est une perception limpide et profonde de son « apparence ». Nous rencontrons en nous des images agréables, mais aussi, parfois avec le même plaisir le sérieux, le triste, le trouble ou encore le ténébreux.

Dans ce rêve, l’homme joue en tant qu’individu avec la réalité. L’art du peintre est ici donc un jeu avec le rêve. « Tant qu’une image flotte devant nos yeux comme une figure imaginaire, nous jouons avec la réalité. Lorsqu’on transpose l’image sur une toile, on produit ainsi une forme réelle d’un rêve. »

« Si Appolon est devenu Dieux de l’art, c’est qu’il est Dieux des représentations oniriques, celui de la belle apparence du monde, d’une vérité supérieure ou encore d’une perfection d’un état par opposition à la réalité quotidienne et d’une « vraie connaissance ». »

F. NIETZSCHE

C’est un « œil d’un calme solaire », même lorsqu’il porte en lui la colère, entièrement dédié à la ‘belle apparence’, illusion qui peut devenir mystification.

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Art comme mystification, le premier mot à retenir.

C’est ainsi que se déroule mon cours de peinture académique. Devant mon modèle, je dois saisir la beauté du modèle et sa forme parfaite, ‘réelle, avec de la ‘bonne proportion’ et la transparence de la couleur de la peau. Créer une illusion du corps.

L’art dionysiaque extatique, celui de l’ivresse

L’art dionysiaque, disons par exemple l’art Baconien, repose sur l’ivresse et l’extase. Il s’agirait donc encore selon Nietzsche de deux « Mächte », deux puissances actives qui « arrachent l’homme de sa naïveté quotidienne ». Nietzsche les nomme pudiquement l’instinct printanier et la boisson narcotique. L’homme retrouve une force radicale, devient membre d’une communauté idéalisée, le subjectif se dissipe. L’homme communie avec la nature et les animaux. Son imagination n’est plus au stade végétatif, elle explose. L’homme et l’artistes se prennent un peu pour le Dieu. Nous sommes ici dans l’univers de l’opéra de Wagner et dans la légende des Nibelungen.

Un peintre dionysiaque « ivre » joue donc avec la nature, mais, il ressent aussi vaguement que le rêve est bien un rêve.

« L’artiste dionysiaque ne consiste pas dans l’alternance entre lucidité et l’ivresse, mais dans leur simultanéité. »
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Il y a un ingrédient important dans cette façon de comprendre l’art : la volonté.
L’artiste « commande au chaos de la volonté ».

Volontairement, il inventer à chaque instant un univers nouveau ou réinvente l’ancien. C’est pourquoi, souvent l’art ‘dyonisiaque est un art révolutionnaire qui se déploie dans une sorte de forme souterraine du ‘vouloir’.
Le danger de cette logique dionysiaque est tendre vers le « UN totalitaire ».

UN univers, Une nature où l’individualité est perçue comme égoïste et arbitraire. Le collectif est UN. La nature fête la réconciliation avec l’homme. Voilà, cela peut donner aussi un art nazi ou un art révolutionnaire ‘pour tous’ qui autorise exclusivement la peinture de tracteurs et des bras levés vers les lendemains qui chantent.

La philosophie grecque est sans doute la plus lumineuse lorsque nous pensons à l’art.

Face au sérieux, la sainteté et l’austérité de nombreuses religions qui vont jusqu’à interdire la représentation où les images, la pensée grecque est d’une sagesse profonde.

Hartung expo paris 2019
Hartung expo paris 2019


Nietzsche nous rappelle ainsi :
«  Les Grecs connaissaient les horreurs de l’existence… et les voilaient pour pouvoir vivre. »

Les courants apolloniens et dionysiaques continuent à s’affronter en 2019. Mais, l’art est toujours aussi utile à la survie de l’homme.
Voilà le sujet de mon prochain article :
https://fixeur.org/que-faire-devant-une-toile-blanche/

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